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16/03/2009

JERICHOW & YELLA, de Christian Petzold

JERICHOW & YELLA, deux films de Christian Petzold, le 22 avril  au cinéma
 
Nous avons le plaisir de vous annoncer les sorties de JERICHOW et de YELLA, deux films de Christian Petzold.
 
JERICHOW était en Sélection Officielle à Venise en 2008 (Hors Compétition).
YELLA était en Sélection Officielle à la Berlinale de l'an dernier. Nina Hoss, actrice principale des deux films, y a reçu le Prix de la Meilleure Actrice.
 
 
A propos de JERICHOW

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Pour la première fois en compétition à Venise avec son dernier film Jerichow, Christian Petzold s'éloigne des récits mêlés de fantastique auxquels il nous avait habitué depuis Gespenster (2005) et Yella (2007) au profit d'une intrigue resserrée sur un trio amoureux d'influence très noire. A l'image de la trame du roman de James Cain "Le facteur sonne toujours deux fois", le film met en situation Laura (Nina Hoss magnifique de fébrilité), une jeune allemande au passé trouble, emprisonnée dans la relation ambigüe qu'elle forme avec son mari, un businessman turc prénommé Ali (Hilmi Sözer). Lorsque ce dernier embauche comme chauffeur Thomas, un ex-militaire, Laura s'éprend de lui : le couple illégitime et passionné, fomente très vite d'éliminer Ali… Christian Petzold qui exprime depuis longtemps son intérêt pour les individus sans accroches, focalise le début de son film sur le personnage de Thomas incarné par Benno Fürmann, une sorte d'athlète vagabond aux yeux perçants littéralement terrassé par les aléas de la vie. Avec cette précision toute allemande qui révèle souvent la primauté du contexte (ici Jerichow, une paisible petite bourgade en Allemagne), le cinéaste suit l'errance de Thomas prêt à repartir à zéro dans une demeure vide et dans le quotidien d'un boulot sans perspectives. Prototype du héros des films de Christian Petzold, Thomas est une âme toujours en sursis, une sorte de fantôme de lui-même au même titre qu'Ali et Laura : le premier est un étranger en Allemagne, turc à moitié alcoolique, solitaire dans son mariage et sur la route de ses affaires qui l'éloigne quotidiennement de sa demeure bourgeoise. La deuxième est fragile, discrète, porte l'ombre d'un passé tordu qui la fige, prisonnière d'Ali dont elle dépend financièrement. Dès lors le regard quasi clinique de Petzold prend de l'amplitude dans l'émulsion savamment concoctée de la rencontre des trois individus. Aux détours d'une mise en scène de plus en plus éclatante, où l'éblouissement des couleurs et des paysages naturels allié à un sens raffiné du cadre contraste terriblement avec le tragique des situations, Christian Petzold créé une forme d'abstraction proprement inédite à mi chemin entre le film noir, la romance passionnée et le constat socio-réaliste.

 

En sous-main de cette histoire, le thème de l'argent, véritable nerf d'une guerre dont les deux allemands désargentés Laura et Thomas sont les victimes, dénie paradoxalement au riche Ali, malgré ses simulacres, d'en être tout à fait le maître. La phrase emblématique de Laura, « Tu ne peux pas aimer si tu n'a pas d'argent », possède en germe autant l'exclamation d'une prostitution bien réelle qu'elle renvoie directement à l'impuissance et au drame de la jalousie vorace de l'homme d'affaire. Avec Jerichow Christian Petzold franchi ainsi tout en nuances subtiles une marche supplémentaire de sa filmographie, aussi fidèle à ses préoccupations qu'il réussit avec une adresse exceptionnelle à se renouveler. (Le Journal de la Culture)

 


A propos de YELLA

 

Il ne faut pas compter sur Christian Petzold pour mettre tout le monde d'accord, mais son cinéma se présente moins sous l'angle d'un refus du consensus que sous celui d'une expérience atypique, basée sur l'idée du faux plat et des interférences qui fissurent un panorama apparemment lisse et épuré. Redevable à l'américain Lodge Kerrigan (en particulier « Claire Dolan », situé dans le quartier anguleux de Wall Street à New York) et à l'italien Dario Argento (pour le développement d'une épouvante dépourvue de psychologie), « Yella » louvoie vers le fantastique comme une forme en devenir, née dans un laboratoire. Les séquences et les plans se répondent, puis s'annulent, le jeu est permanent sur les volumes, sans fond, ou les espaces, agréables et sans âme (hôtels, couloirs, parkings, bureaux). Le flottement éprouvé par Yella se précise dans un univers dont elle apprécie la dimension grisante mais où, hélas, elle sent bien que quelque chose ne va pas,
qu'il manque une assise.

 

Fort heureusement, Petzold se fiche du réalisme et de la vraisemblance, au profit d'enjeux plus théoriques que le spectateur aura tout loisir de macérer bien après la projection. Le monde des affaires, les blagues sur le romancier John Grisham et les adaptations hollywoodiennes de ses succès (« La Firme »…), les deux Allemagne, l'une rurale et résolue, l'autre urbaine et batailleuse, s'entrechoquent au sein d'un film devenu une caisse de résonance. Petzold veille à placer ses thématiques tordues dans un cadre à ciel ouvert, printanier et trompeur. Chez lui, l'eau ne renvoie par au principe de vie, mais enveloppe les protagonistes dans un linceul, quand la voiture, en association avec « Wolfsburg » (2003), devient une machine de mort de nature industrielle. Il faut à ce titre saluer le placement de produit le plus pervers de l'histoire du cinéma : un dramatique accident de la route permet l'apparition d'une boîte de soda, qui flotte à la surface lorsque le véhicule sombre inexorablement dans la rivière où il s'est abîmé. Le film est aussi parcouru par « Road To Cairo », une chanson du folksinger américain David Ackles reprise ici par Julie Driscol, qui décrit l'impossible retour d'une âme errante dans sa petite ville natale, en écho à l'histoire de Yella et à « Gespenster » (« Fantôme », 2005), le film précédent de Christian Petzold. Aux côtés de la spectrale demoiselle, (dés)incarnée par Nina Hoss, Devid Striesow est formidable de magnétisme.

(Le Journal de la Culture)

 

 

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