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16/03/2009

A PROPOS DE YELLA, par Christian Petzold

Une vie en suspens
 

Yella est une jeune femme à la fois très moderne et très démodée. Elle veut prendre part au monde, dans tout ce qu’il a de plus flexible et d’incertain, mais elle veut aussi rester à la maison. Pendant que nous tournions le film, nous pensions souvent à ces ballades américaines qui donnent cette idée d’être en mouvement, d’être sur la route, mais tout en chantant, rêvant et racontant des histoires sur le lieu de ses origines. C’est pourquoi on entend la chanson de David Acles « The Road to Cairo » dans le film. C’est ce conflit intérieur que vit Yella, cette vie en suspens qu’elle doit supporter.

Vivre avec des fantômes
 

Je travaille souvent sur des personnages qui ont fait preuve d’orgueil, qui ont voulu un peu trop et qui maintenant sont en retrait, exclus, qui ne sont plus à leur place. Sur leurs projets et leurs machinations aussi, et le travail qu’ils font pour revenir, dans la vie, dans la société, dans l’amour… L’Est est une région qui ne peut plus nourrir dignement ses habitants. Les gens sont contraints de partir, mais partir leur est difficile, laissant derrière eux des villes et des villages vidés, des villes fantômes. Ce dont parle Yella, c’est d’une personne qui vient d’une ville fantôme comme celle-ci et qui veut entrer dans la vie, mais qui emporte partout avec elle ses fantômes.

Philipp et Ben
 

Philipp conduit une voiture de la même couleur que l’ex-mari de Yella, Ben, qu’elle vient juste de quitter. Il porte également le même costume que lui. Yella continue à se trouver dans des situations qui lui rappellent Ben. On pourrait ainsi penser qu’elle rêve d’un homme qui aurait les mêmes qualités qu’elle a autrefois aimées chez son ex-mari. Mais elle rêve aussi d’un amour avec un homme « moderne », ce que Ben n’a jamais été. Philipp, lui, est un homme moderne. Il ne flirte pas, il est respectueux, discipliné. C’est lui qui d’abord accuse Yella de vendre sa beauté, de se vendre elle-même. Mais Yella se défend et quand elle réussit enfin à lui tenir tête, une histoire commence entre eux : ils deviennent collaborateurs, puis amants.

Nina Hoss
 

C’est le troisième film que je fais avec Nina Hoss. L’idée du film Yella m’est venue la première fois que nous avons travaillé ensemble sur le film Something to remind me. Nous étions debout au bord de l’Elbe. Nous travaillions sur un film qui parlait d’une femme qui voulait se venger, qui décidait de partir de l’Ouest vers l’Est, d’un système de production moderne aux ruines de la société industrielle. C’est ainsi que nous en sommes venus à réfléchir à une histoire qui aille dans la direction opposée, de l’Est vers l’Ouest.

Dans mon travail, j’attache beaucoup d’importance à ce que Jean Renoir appelle la « répétition à l’italienne », méthode qu’il utilise pour préparer un film avec ses acteurs, et qui va au-delà de la méthode américaine de « cold readings ». Vous videz votre esprit. Vous lisez, vous ne jouez pas. Vous réfléchissez, explorez et analysez le texte, mais vous ne jouez pas. Nina et moi partageons la même conception du travail d’acteur. Travailler, aller au cœur des choses, ne pas se laisser distraire, savourer les impasses et les surmonter. Depuis notre premier film, Nina est devenue plus cohérente et plus forte. Plus radicale.

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